Aventures dans le Yunnan (云), l’histoire de Bu Nong de Lìjiāng (丽江)
Posté par ITgium le 5 juillet 2012
(1) La musique des étoiles
(2) La shanghaienne
(3) L’appel de la nature
(4) Sylvie lín jìng ou un baiser sous les étoiles
La musique des étoiles
Dans sa terre natale dans le Sichuan, Bu Nong 布农 avait tout pour être heureux. Se nourrissant de traditions ancestrales, cet homme de bonne composition trainait généreusement sa silhouette.
Une vie douce s’annonçait mais c’est alors que le venin s’immisce.
Inculqué par la main volontaire et autocratique de l’homme, son univers est bousculé par une industrialisation forcenée. Des chaudières se répandent, bientôt des hordes de gratte ciel ferment l’horizon. Déjà le ciel s’épaissît d’une couche noirâtre, la terre se gorgeant de métaux lourds.
L‘homme n’est alors plus un homme mais seulement un bout de trottoir qu’il parcourt incessamment sans jamais plus se reconnaître.
Bu Nong suffoque, tremble. Désespéré, il supplie ses ancêtres de lui prêter main forte. Un murmure vient du fond de l’inconnu. L’appel à l’aventure.
En 1995, il décide de rompre les amarres.
Il s’élance seul sur la route de Lìjiāng avec l’objectif de rallier « le Prince de la Montagne des Neiges », Mei li xue shan, la plus belle montagne de Chine dans le Yunnan.
Comme dans les temps anciens, il chemine le plus souvent à cheval, parfois à pied. Il franchit montagne et lac, foule des sentiers encombrés. Malgré les chaleurs ou la pluie, jamais il ne fléchit. Il poursuit sa route, inflexible.
De loin en loin, les paysans l’interpellent. « Ou vas tu ? » demandent-ils. D’une main fragile, il désigne une lueur dans le ciel.
La nuit tombée, il s’étend dans l’herbe grasse. Ses yeux prennent alors d’assaut la Lune. Il la contemple telle une femme adorée.
Un lointain bruit le surprend. Serait-ce les étoiles se chahutant dans une langue inconnue ? Serait-ce les clochettes des caravanes qui autrefois empruntaient ces routes ?
Chaque soir, de nouvelles sonorités. L’une aigu, l’autre grave. L’une étouffée, l’autre vrombissante.
Il fabrique alors deux clochettes sur une petite planche en bois. D’un coup de pinceau, Il dessine successivement la montagne Meili et la rivière du Lancang, les noyant également sous un ciel bleu.
Il accroche la première à son cou, la seconde à celui de son cheval.
Il reprend alors la route.
Sur son chemin, les cloches sonnent souvent. Les paysans applaudissent. Les bécassines lancent des cris sec.
Le cœur réjoui, il parcourt 2000 kilomètres.
« Quand je suis arrivé au Tibet, je me suis rendu compte que j’avais été béni par neuf bouddhas vivants durant mon voyage. »
Signe de bon augure, ce chiffre renvoie à la mythologie des neuf dragons Hermaphrodite, chacun paré de 117 écailles, 81 mâles et 36 femelles.
Aussitôt dans les murs de la Cité de Lìjiāng, littéralement « beau fleuve », il franchit le Grand Pont de pierre.
Il reprend longuement sa respiration, s’abreuve d’air frais, glisse ses mains sur ses joues. Il s’interroge alors. La clochette arrimée au cou de son cheval se fait entendre.
- Va pour cette nouvelle vie ! s’exclame-t-il, je concevrais des clochettes en guise de porte bonheur.
Il installe un magasin, rue sifang, aussitôt baptisé les Bu Nong Ling (Cloches de Bu Nong). Dans son atelier, il façonne des clochettes à l’aide d’un bois précieux récupéré sur les monts Hengduan.
Chaque clochette suggère un bonheur.
Nul bonheur inconcevable, de ces bonheurs vertigineux qui se dérobent aussitôt. Nul bonheur illusoire comme l’espérance d’un amour qui ne viendra jamais.
Plutôt de ces petits bonheurs, presque invisibles, qui rendent la vie heureuse. Ce peut être le plaisir de regarder la montagne Meili par temps clair ou de se dire, une clochette sonnant gaiement au cou, “comme je vais bien aujourd’hui !»
La première série de clochette réalisée, il les offre à ses frères d’armes, ses amis du monde entier, qu’ils fussent chiliens, estoniens ou mexicains. Roturiers ou aristocrates. Paysans ou ouvriers.
Chaque jour à Rio, Acapulco ou Bratislava, les clochettes du Bu Nong sonnent à la même heure. Le point de ralliement d’une humanité nouvelle. Hommes et femmes s’écoutent alors, se parlent, s’aiment.
Conforté dans son succès, Bu Nong achète un millier de mu (soient environ 0,67 km²) de terrain dans la vallée de la montagne aux neiges éternelles du Dragon de Jade (Yulong shan) où il imagine une ville des arts. C’est sur cette même commune de Baisha que Joseph Rock a vécu durant son séjour en Chine entre 1922 et 1935. Attiré par la beauté des paysages, il publia de nombreux reportages pour le National Geographic. S’en inspirant, l’écrivain britannique James Hilton pose le décor d’un merveilleux roman, l’Horizon perdu, un paradis enneigé autrement bien nommé Shangri-la.
La shanghaïenne
Une femme, une shanghaïenne
Visage rigide. Sourire carnassier. Parfois elle s’offre un sourire de convenance, habile et séducteur.
D’un naturel élégant, décolleté à peine perceptible, les escarpins compensées. Son allure suinte le goût à l’argent. Généralement, la shanghaïenne se promet une vie confortable à l’abri du besoin dans un monde souvent réduit aux apparences.
Une vie rythmée autour de promenades dans d’immenses centres commerciaux sans âme. Dans chaque magasin, des vendeurs efféminés se précipitent vers elle. Elle raconte alors ses désirs, sacs et joaillerie. Sans attendre, elle achète marques et autres effets, emblèmes d’une richesse toute récemment acquise. Elle achète au delà du nécessaire pour prouver qu’elle existe même dans la futilité.
Parfois elle est invitée à une exposition, un peintre occidental ou une relique égyptienne. Elle s’y rend mécaniquement. Une obligation plutôt. Elle regarde vaguement des toiles centenaires. Elle a l’œil plutôt sur l’ombrelle d’une jeune femme supposée concurrente qu’elle déteste aussitôt.
A Shanghai, entre femmes règne une compétition féroce dont l’échelle de valeur est la fortune de leur homme. Elles disent « leur homme » plutôt que leur amoureux. Car elles exigent de lui qu’il tienne son rang. Jamais elles ne lui reprocheront d’être édenté, imberbe ou chauve, pétant et rotant, l’essentiel étant qu’il s’accommode de leur caractère et surtout de leur soif de luxe lequel se fera croissant avec le temps. Pauvre homme, il n’oppose pas la moindre résistance, la satisfaction de ces besoins étant un passe droit aux câlins de minuit.
Malgré tout, la shanghaïenne le rudoie. En remerciement, elle lui offre plainte et complainte. Pourquoi ne l’a-t-il pas assez couvert de cadeaux ? Pourquoi ne l’invite-t-il pas dans les palaces qui pullulent à la sortie Shanghai où pourtant les journées se passent autour d’un écran de télévision ou en pianotant son téléphone portable.
Du coup, le shanghaien est penaud. Profil bas devant sa femme, il lui laisse la monture. A force d’étouffer, de vivre sous ses cris, il s’est mu en androgyne. Par désespoir peut être, Il traine sa silhouette comme une femme mais mange comme un homme, tel un malpropre
Le soir venant, dans des bars fraichement inaugurés où s’agglutinent des occidentaux désœuvrés, la shanghaïenne savoure sa réussite, la tête emportée par une salve d’alcool. Jonglant entre les bières exotiques, elle s’amuse.
Mais irrésistiblement, l’ennui guette. Un ennui profond proche d’une sensation d’inexistence.
L’appel de la nature
Un jour, Jing Lin est interrogée par l’une de ses amies sur ce qu’elle pense de la nature.
Depuis longtemps, elle n’en avait qu’une idée confuse. Serait-ce une bizarrerie de la Chine ancestrale ? Comment concevoir la nature lorsque l’on vit sous une enfilade de tours bétonnées ?
Claquement de doigts, pourtant.
Jing Lin prend la route du Yunnan, s’en allant vers Lìjiāng.
Sur son chemin elle croise un touriste brésilien du nom d’Anxmandae de Leiria. Un bel homme courant sur la trentaine. Elle s’étonne que ce dernier ne l’abreuve pas aussitôt de compliments. N’a-t-il pas remarqué qu’elle compte de beaux atours ?
- Vous voyez, cette cloche, commente-t-il, Bu Nong ne voulait pas me la vendre. Il m’a dit qu’elle était la mère de toutes les clochettes. J’ai attendu qu’il se retire dans son cabinet pour m’en saisir.
Anxamade regarde la clochette avec une telle intensité que Jing Lin comprend qu’elle ne pourra pas lui arracher aucune douceur.
- Ne rapportez mon crime ! Madame, je vous en saurai gré !
Intriguée, deux jours plus tard, Jing lin se rend dans la Bu Nong Ling, rue Sifang.
Lorsqu’elle entre dans le magasin, les cloches sonnent alors sans raison au delà du supportable. Cascade de sons échevelés.
Attablé au fond du magasin, Bu Nong la rejoint aussitôt.
- Qui êtes vous pour provoquer un tel chahut ?
Comme Jing Lin ne répond pas, Il la regarde méthodiquement de haut en bas.
- Avez vous jamais entendu le murmure des étoiles à minuit tapantes ?
Jing Lin recule, pince les cordes d’une antique cithare.
- Ce soir, nous pouvons les entendre ensemble, ajoute Bu Nong.
Sylvie lín jìng ou un baiser sous les étoiles
Une soirée sans nuage, doux vent de l’ouest, température clémente. A quelques encablures, les 13 sommets de la montagne Meili culminent à 6000 m d’altitude.
Bu Nong a l’œil sur Vénus. Six heures à l’horloge, l’astre crâne dans le ciel !
Alors qu’il l’observe, un chant mélodieux se répand. Il invite alors Sylvie lín jìng à regarder la Lune, la mer de la tranquillité, vaste vallée cisaillée de crevasses. Leur regard s’aventure ensuite vers Jupiter, l’œil moqueur, balayé de mille couleurs. Dans la ronde, ses filles, Europa et Ganymède.
Puis un silence que vient rompre un léger bruit de feuillages.
Soudain Bu Nong s’élance sur Sylvie lín jìng, s’empare de ses lèvres. Elle ne s’en étonne presque pas, suit le mouvement.
Bu Nong se replie, raconte alors l’enveloppe majestueuse de Deneb, s’enthousiasme pour la nébuleuse du cheval.
Un silence encore, plus durable celui-là.
Puis il prend la main de Sylvie lín jìng. Un baiser comme deux, s’en allant, venant. Dans la mêlée, elle défriche son visage, croque ses oreilles, le goûte.
Quel drôle d’homme ? pense-t-elle.
Le baiser se prolonge. Les langues se cherchent, se bousculent.
Les voilà doucement, chaudement arrimés l’un à l’autre.
Pendant ce temps, des étoiles filantes tracent des sillons dans le ciel.
La nuit est calme, imperturbable.
Belle nature !
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布农:靠山吃山,靠水吃水
布农的店开在丽江古城四方街旁的大石桥桥头,光头,麻布衣衫,背一个军绿色的挎包,这就是布农。我问他:“听说你最喜欢带着记者四处吃美食?”他笑笑,“你想去哪儿吃?”
10分钟后,布农的吉普车把我带到了距丽江7公里的束河古镇,中途顺道接了一个姓和的厨师朋友。布农说,“无论上哪儿吃我都会带着他”。
走过一条长长的青石板路,赫然是一座带有浓厚纳西族风情的农家小院,门额上写着“布农小院”。布农说,“我从不上大饭店吃饭,这是我自己开的餐馆, 请的是四川大厨”。20分钟后,五道菜摆在了饭桌上:茼笋烧鸡,山药炖土鸡,大漠风沙鸡,山城辣子鸡,东巴清水鱼。布农说:“我最爱吃这里的鸡和鱼,如果 不是时间有限,我应该带你去山上吃鸡,去江边吃鱼。那才是我喜欢的美食方式:吃大自然。”
我并不是个天生美食家。小时候家里穷,最喜欢吃的菜是回锅肉。1995年来到云南,发现这里的自然环境特别漂亮,便留在了丽江。呆的时间长了就觉得,云南的吃比不上四川,于是开始自己变着法子山上山下找好吃的。
我以前不爱吃鸡和鱼,但到了云南,这两样东西成了我的最爱。丽江是个很闲散的地方,我又是个自由职业者,没事时候就开车和朋友四处玩。有一次,我们 到山上玩,住在山民家里。白天,我们给他放牛放马,躺在草地上看白云飘流,入夜去泡个温泉,周围白雪皑皑,头上星斗满天。吃饭时候,主人给我们做了只鸡。 我随便尝了一口,突然发现味道特别鲜美,跟在别的地方吃过的鸡完全不一样。我就问他是怎么做的,放了什么佐料。结果,老乡说,就是把鸡杀了,放油炒着吃 啊,除了盐巴什么也没放。那只鸡让我记忆犹新,后来回城里,去餐馆,我告诉厨师按那位老乡的做法炒鸡吃。但再也吃不出那种味道了。
后来,我才明白,关键不在怎么做,而在做的是什么。云南是植物王国,山上动植物丰富,这些鸡觅食的时候很容易吃到一些带有药用价值的虫子、植物。除 了晚上会成群结队地各回各家,它们跟野鸡基本上没什么区别。这些鸡长得慢,但吃起来别有风味,所以我如果想吃鸡了,就会去山上找老乡买鸡。
鸡有20多种做法,我觉得最好最有营养的做法是用土鸡炖山药。现在,我都快成了鸡的天敌,几乎每天都要换着花样吃鸡。
除了去山上吃鸡,我还会去江边吃鱼。我常常一个人或者带着朋友开车去几十公里外的金沙江边晒太阳,看书。中午时候,就找个幺店子(云南方言,即很小很小的饭馆)吃鱼。这些鱼是店里的人从金沙江里捞上来的江鱼,老乡们放点葱姜,就用泉水煮着吃,味道别提多鲜美了。
记得我从梅里雪山骑马进西藏的时候,途经一条无名河,河水没任何污染,异常清澈,一群群无鳞鱼在河里自由自在地游弋。藏民是不吃鱼的,所以这些鱼游 得很慢,毫无防范之心。我脱了鞋站在浅水处,看准了游过来的鱼一棒子打过去,那鱼被打晕了就浮了上来。那些油站的兵更聪明,他们会在汽车后备箱里预备好一 个渔网,在经过昌都河时随便撒一网,就足够了。回到油站,用铜锅一煮,放点姜和盐,简直人间美味。
冬天时候我会在院子里点一个火盆,用牛粪蛋烧火煮牛肉,等肉烂了再放点盐巴。或者,到山上抓野鸡、野兔下来做烧烤,杀年猪时候切一片肉往火盆一丢,烤熟了就着自己用青梅酿的包谷梅子酒吃。
现在我出去吃东西,一定要叫上好朋友和向前把关。他是某大酒店的厨师长,纳西族人,祖辈是给云南纳西土司木老爷做满汉全席的。纳西人的满汉全席,因 使用三套大小不同的餐具,即六个大碗、六个小碗和六个盘子,共十八道菜肴,所以又称作三叠水。在有贵客来访时候,纳西人的最高礼仪就是“三叠水”。按所上 菜肴的口味分三次上席,第一叠是以甜点类为主的,如米糕、蜜饯、果脯、时鲜的果类食品;第二叠,是凉菜类,其中包括丽江特产,吹肝、凉粉,还有火腿、豆腐 干等;第三叠才是熟食类,主要以蒸菜为主,又根据季节出产的物产而有所不同。这三叠水中包括了山珍海味,纳西族地方风味和特产小吃。现在整个丽江能做全 “三叠水”的只有和向前一个人。
纳西族人很会在山上找吃的。他们有一道菜叫“凉拌树花”或“凉拌树胡须”,这种树花、树胡须来自云南深山里的一种树,形状像木耳,但更薄,可以凉拌 也可以用来炖肉。雨季时候就吃采摘的40多种菌子。还有一道菜叫“炒海花”,海花是高原湖里生长的海草,条状,吃起来特别滑腻。
老和很懂做菜。我们去餐馆或山里的老乡家吃饭,无论吃什么,他会先跟下厨的人说好怎么做,要放哪些佐料,所以每次我们都能吃得鲜香无比。
吃到后来,我就想,为什么不开个餐厅,把我吃过的美味推荐介绍给别人呢?2004年国庆节,我在束河古镇投资开了这家饭馆,“布农小院”。这里的菜 味道以云川两地风味相结合,每次来了朋友,我都会带他们来这里吃饭。饭馆的厨师几乎是半年一换,因为我们都是对吃很挑剔的人,吃到一定的时候感觉不新鲜 了,就会另找别的名厨来掌勺。
张艺谋的《千里走单骑》,有一场长街宴,就是在我的“布农小院”前的长街上拍的。当时
剧组演职人员经常会在我的饭馆里吃饭,每次都吃得流连忘返
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