Comala, le livre
Posté par ITgium le 25 novembre 2012
Le récit de jùn mǎ 俊 马
de François de la Chevalerie, 2011
« A quelques encablures, le monde noue avec ses origines, la lumière du ciel. »
La religion des astres, Anxmadae de Leira
Voilà vingt siècles, des habitants d’une distante planète s’envolaient dans l’espace.
Depuis toujours ils nourrissaient le rêve d’aller à la rencontre d’autres hommes, loin dans l’univers.
Dans un vaisseau chargé d’antimatière, ils dévalèrent les pentes du ciel.
Malgré les trous noirs, l’aéronef franchit sans encombre un paysage lugubre, émaillé de géantes gazeuses et d’astres moribonds.
Alors que la fusée s’aventurait dans la voie lactée, ses occupants devinèrent un voile étrange, une brume à l’horizon.
Dans le prolongement d’une modeste étoile, un joyau bleuté flottait sous des traînées blanchâtres.
Tout au long de leur périple, ils n’avaient jamais croisé semblable beauté. Le miracle d’une vie ailleurs s’annonçait !
Sans tarder, ils atterrirent à l’ombre d’un volcan dont l’étoffe se répandait jusqu’à l’océan. Malgré une nature foisonnante, le spectacle humain était déplorable.
Des chasseurs de mastodontes s’entretuaient pour des raisons inconnues. Ronde infernale, le sang coulait à flot.
Accueillis par des pierres et des lances, les visiteurs d’outre monde furent nombreux à mourir décapités ou dépecés.
Repliés au pied du volcan, les survivants se consultèrent. Tout au long de leur trajet, ils n’avaient rien vu d’heureux : caillou, glace ou poussière.
Quant à la Terre, la violence la laminait. Découragés, ils décidèrent de rebrousser chemin. Seulement voilà, un surplus d’antimatière était indispensable pour revenir à demeure. De grotte en fosse, ils s’en allèrent à sa recherche.
Ils bousculèrent feuillages et galets, creusant en profondeur. Même dans les fonds marins, les antiparticules étaient introuvables. Le retour s’avérait impossible. Du haut du volcan, ils implorèrent alors leurs frères de leur porter secours.
Debout, ils guettaient le ciel. Rien ne venant, ils chargèrent le volcan de substances chimiques de telle sorte qu’une gigantesque torche se porterait jusqu’à la haute atmosphère. Sans succès encore, ils entreprirent ensuite la construction de pyramides circulaires, les élevant au rythme des saisons.
Dans chacune, des conduits marquaient les étapes de leur traversée. La nuit, ils observaient le ciel. Un rien alimentait leur espoir, une ondée comme une étoile filante. Au moindre chahut, ils exultaient de joie. Ces fièvres passagères étaient toujours de courte durée. Mais, de génération en génération, prospérait l’idée du retour.
Un jour, un vent de sable s’éleva le long de la sierra.
Des soldats espagnols se dirigeaient vers le volcan. La peuplade dépêcha sur leur chemin un vieillard à fière allure.
« D’où viens-tu ? » demanda un capitaine bouffi de morgue. D’une main fragile, le vieil homme désigna une lueur dans le ciel.
« Hérétique ! » tonna le militaire en lui tranchant la gorge d’un coup de sabre. Bouleversés, ses compagnons prirent aussitôt le chemin du volcan. Lorsqu’ils gagnèrent ses hauteurs, ils se jetèrent, l’un après l’autre, dans la fournaise. Fermant le bal, le plus âgé salua une dernière fois la terre. A ce moment là, un éclair foudroya le ciel. Les bras levés, le malheureux criait de toutes ses forces. L’onde caressait le cône, se faufilant parmi les fumets. S’en approchant, l’homme s’y engouffra d’un air volontaire.
Lorsque les espagnols investirent les maisonnées aux alentours, ils ne trouvèrent âme qui vive.
Comme ils s’en inquiétaient, un bruit sourd parvient du Volcan. Sous une pluie de cendres, la terre trembleait.
Peu à peu, un feu dense s’élevait, recouvrant bientôt d’un voile pourpre le soleil. Agrippé à sa monture, le front perlé, le capitaine s’écria :
« Soldats, vous ne direz jamais ce que vous venez de voir. Jamais ! »
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