Le rêve chinois de Xí Jìnpíng (中国梦, zhōngguó mèng)
Posté par ITgium le 5 juillet 2013
Les récits de jùn mǎ 俊 马 故事 (François de la Chevalerie)
Chaque Président chinois a son mot d’ordre, tel un slogan. Il accompagne sa mandature, lui donne son épaisseur, trace l’avenir.
En 2013, le nouveau président, Xi Jinping (习近平) a lancé le sien, le « rêve chinois ».
« Le rêve chinois, argumente-t-il, doit réaliser la puissance et la richesse du pays, la renaissance nationale et le bonheur du peuple. C’est un rêve de paix, de développement, de coopération, d’avantages mutuels, il est lié aux beaux rêves des autres peuples du monde, y compris le rêve américain ».
Entre les lignes, voguent les poncifs d’une orthodoxie éculée, un discours passéiste embastillé dans un jargon bientôt inaudible.
Entendu !
Ce rêve ne s’adresse pas aux miséreux de la planète désireux de s’en aller, le baluchon au dos, vers une contrée prometteuse, des lendemains meilleurs.
Le rêve chinois s’apparente plutôt un entre soi aux limites définies, loin du vœu d’harmonie (hé 和) mille fois égrené à toutes les sauces ces dernières années.
L’harmonie aurait-elle succombé sous l’effet du rêve chinois ?
Peut être était-il temps d’en finir avec une vision généreuse peut-être romantique du monde pour se nourrir désormais d’un seul rêve construit autour de seuls « avantages mutuels » ?
Le Président Xi Jinping ajoute :
« Le rêve chinois est lié aux beaux rêves des autres peuples du monde, y compris le rêve américain ».
Où sont-ils les points de convergence entre des rêves si dissemblables, le premier ordonné autour d’une culture démocratique et un monde multiculturel, le deuxième filant doux sous un régime dictatorial et un monde unipolaire ?
Slogan périlleux sinon glissant.
Beaucoup plus malin était celui de Deng Xiaoping. Le « socialisme aux caractéristiques chinoises » (中国特色社会主义, zhōngguó tèsè shèhuì zhǔyì) annonçait un modèle politique hybride entre marxisme et capitalisme, nullement à la recherche de fausses vertus.
Jiang Zemin jouait aussi de prudence en vantant la « triple représentativité » alliant les forces productives progressistes, la culture et le peuple (Sāngèdàibiǎo 三个代表).
Pour sa part, Hu Jintao soutenait le « concept de développement scientifique« censé préserver l’environnement (kēxuéfāzhǎn guān 科学发展观).
Le Président Xi Jinping poursuit sa plaidoirie :
« Il faut emprunter la voie chinoise pour réaliser le rêve chinois. C’est le socialisme aux caractéristiques chinoises »
Question : Le socialisme aux caractéristiques chinoises ne serait-il pas par trop dévoyé aujourd’hui pour faire croire qu’il puisse nourrir un quelconque rêve ?
« Pour emprunter la voie chinoise, nous devons diffuser l’esprit chinois, qui combine l’esprit de la nation avec comme fondement le patriotisme et l’esprit du temps avec les réformes et l’innovation comme fondement. »
Question : Un amalgame composite structuré autour d’un pur nationalisme serait-ce donc cela rêve chinois ?
« Nous devons avoir comme pensée stratégique que le développement est une importance impérieuse. »
« Nous devons amasser constamment le matériel et les fondements culturels pour la réalisation du rêve chinois. »
Verbiage plutôt inconsistant qui ne répond pas à la question essentielle, celle de se demander comment le rêve chinois pourrait-il embrasser le monde alors qu’il ne s’appuie apriori que sur la seule culture chinoise ? Ce qui n’est pas le cas du rêve américain qui absorbe sans complexe, sans retenue, toujours plus, toutes les cultures du monde.
De construction plutôt sommaire, le rêve chinois semble plutôt mettre en avant la double idée d’un pays puissant (qiángguó) et d’un peuple riche (fùmín), ce qui est légitime compte tenu de l’extraordinaire développement de la Chine ces dernières années.
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